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septième runo

La petite servante de Pohjola, la blonde fille, avait fait un pacte avec le soleil et avec la lune. Ils étaient convenus de toujours se lever ensemble, de toujours se réveiller en même temps.

Or, un jour, elle devança elle-même le soleil et la lune ; elle se leva avant que le coq eût chanté, que le fils de la poule eût fait entendre sa voix.

Et elle tondit cinq brebis, elle tondit six brebis, lava leur laine et la prépara pour être filée, avant que l’aurore eût paru, que le soleil se fût levé.

Ensuite, elle nettoya la longue table, elle balaya le vaste plancher avec un balai de feuillage, ramassa les ordures dans un vase de cuivre et les porta, à travers le vestibule, dans le champ le plus éloigné qui longeait la clôture de l’habitation. Là, elle s’arrêta, prêta l’oreille, et entendit des pleurs qui venaient du côté de la mer, des gémissements qui venaient de l’autre bord du fleuve.

Elle rentra aussitôt dans la maison et dit :

« J’ai entendu des pleurs qui venaient du côté de la mer, des gémissements qui venaient de l’autre bord du fleuve. »

Louhi, la mère de famille[1] de Pohjola, la vieille édentée de Pohja, se hâta de sortir dans la cour et écouta. Puis elle dit : « Ces pleurs ne sont point ceux d’un enfant, ces gémissements ne sont point ceux d’une femme ; ce sont les pleurs d’un héros barbu, les gémissements d’un menton hérissé de poils. »

Et elle lança son bateau sur les vagues, et elle se dirigea, à force de rames, du côté du vieux Wäinämöinen, du héros accablé de chagrin.

Le vieux Wäinämöinen pleurait, le fiancé de l’onde sanglotait bruyamment, au milieu d’un vaste marais inculte, d’un haut bois chevelu. Sa bouche tremblait, sa

  1. Emäntä, — d’emo, mère, — signifie à la fois mère de famille, hôtesse, maîtresse de maison, reine et souveraine du foyer domestique.