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cinquième runo

parut de la surface de la mer et s’enfonça dans les entrailles de la pierre bigarrée, dans les fissures du rocher brun comme le foie.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen médita, alors, profondément dans son cœur, et se demanda comment il pourrait encore supporter la vie. Il façonna à la hâte un filet de soie, et il le traîna en tous sens à travers les détroits, il le plongea dans les trous fréquentés par les saumons, dans les ondes poissonneuses de Wäinölä, autour des promontoires de Kalevala, au sein des vastes et sauvages abîmes, dans le fleuve de Joukola[1], le long des rivages des golfes de Laponie.

Et il prit une foule de poissons ; mais il ne prit pas celui qu’il aurait revu avec tant de joie, la jeune vierge de Wellamo, la fille unique d’Ahto.

Alors, le vieux Wäinämöinen, la tête baissée, le cœur triste, le bonnet tout à fait penché sur l’oreille, dit :

« Oh ! qu’immense a été ma folie, que stupide a été ma force d’homme ! Où sont les jours où je possédais l’intelligence, où j’avais la pensée puissante, le cœur grand ? Maintenant, hélas ! dans cette triste vie, dans cet âge misérable, mon intelligence s’est amoindrie, ma pensée a perdu sa vigueur ; tout ce qu’il y avait dans mon âme de puissance et d’énergie s’est évanoui.

« Celle que j’avais tant attendue, et après laquelle j’avais tant soupiré, la vierge de Wellamo, la plus jeune des filles de l’onde, celle dont je voulais faire l’amie de mes jours, la compagne de ma vie, s’était prise à mon hameçon, et elle avait roulé au fond de mon bateau. Mais je n’ai su ni la retenir ni l’emmener dans ma demeure. Elle s’est échappée de mes mains, elle s’est précipitée de nouveau sous les flots profonds. »

Et Wäinämöinen se mit à cheminer lentement, les yeux pleins de larmes, le cœur gonflé de soupirs. Il arriva près de sa maison, et il dit :

  1. Pays de Joukahainen.