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cinquième runo

« Untamo raconta son rêve, le paresseux de la terre répondit :

« Ahtola est située, les vierges de Wellamo ont leur demeure, à l’extrémité du cap nébuleux, de l’île riche d’ombrages, sous les vagues profondes, au milieu de la vase noire. Elles sont là, dans une petite chambre étroite, à côté d’une pierre bigarrée, au cœur d’un épais rocher. »

Alors, le vieux Wäinämöinen se dirigea vers son bateau de pêche ; il examina ses lignes et ses hameçons ; il mit un hameçon, un crochet de fer dans son sac, et s’avança à force de rames jusqu’à l’extrémité du cap nébuleux, de l’île riche d’ombrages.

Là, s’arrêta le pêcheur, celui qui passait sa vie à manier la ligne et à promener les filets au sein des eaux. Et il lança l’hameçon dans la mer, provoquant, épiant sa proie : la tige de cuivre tremblait, la ligne d’argent sifflait, le fil d’or bruissait.

Or, un jour, un matin, Wäinämöinen sentit qu’un poisson mordait à l’hameçon ; il le tira de l’eau, et le jeta au fond de son bateau.

Et il l’examina avec soin, et il dit :

« Voici le premier poisson que je ne connaisse pas. Il est trop plat pour un lavaret, trop luisant pour une truite, trop clair pour un brochet, trop faible en nageoires pour un poisson femelle, trop dépourvu d’écailles pour un poisson mâle. Il n’a point de bandeau sur la tête pour être une jeune fille ; il n’a point de ceinture pour être la vierge de l’onde ; il n’a point d’oreilles pour être la colombe de la maison. Tel qu’il se présente, il ressemble à un saumon de mer, à une perche des flots profonds. »

Et Wäinämöinen dégaina le couteau à manche d’argent qui pendait à sa ceinture ; et il s’apprêta à couper le poisson en morceaux, pour son repas du matin, pour son repas du milieu du jour, pour son grand repas du soir.