Page:Léon de Rosny - Le Livre de la récompense des bienfaits secrets.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
LE LIVRE DES RÉCOMPENSES

pression du bonheur qui doit couronner tôt ou tard l’homme qui a accompli les devoirs qui lui sont imposés.

Quoique ce livre appartienne plus particulièrement à l’école du Tao qu’à tout autre, on y remarque cependant un mélange de diverses doctrines, mélange qui, du reste, se rencontre fréquemment dans les ouvrages des Tao-sse, surtout dans ceux qui furent rédigés durant l’époque moyenne de l’existence de cette secte. C’est un fait aujourd’hui généralement reconnu par tous ceux qui se sont livrés à l’étude historique des diverses religions humaines, que l’esprit des institutions primitives des grands fondateurs de doctrines philosophiques est rapidement dénaturé et faussé par leurs disciples ; et qu’après quelques siècles, il ne reste plus qu’un amas de monstruosités trompeuses, qui démentent leur origine dès lors environnée de ténèbres. C’est ainsi qu’en Chine les Tao-sse ou sectateurs de l’école philosophique du Tao, fondée par Lao-tse, ont, de siècle en siècle, tellement falsifié les préceptes de leur maître, qu’aujourd’hui leur doctrine n’est plus, en réalité, qu’un mysticisme déréglé, et leur culte des pratiques de routine.

Au moyen âge de la secte des Tao-sse, l’influence du Bouddhisme indien s’y fit surtout sentir. L’écrivain que nous traduisons ci-dessous insiste sur la défense de faire subir aucun mauvais traitement à tout ce qui a vie dans la nature ; il cite, à l’appui de ses préceptes, plusieurs exemples de récompenses accordées par le Ciel à ceux qui se sont montrés compatissants pour les animaux. C’est cette même répugnance de faire subir aucune souffrance à quiconque a vie dans la nature, qui a porté l’auteur du Livre des récompenses et des peines à recommander à ses disciples de ne point faire périr ni de maltraiter un simple insecte, et même une plante, un arbuste 昆蟲草木猶不可傷[1].

Le texte chinois original du Yin-tchi-wen (Livre de la récom-

  1. À l’appui de cette recommandation, on trouve, dans le Kan-ing-pien, l’histoire suivante : « Lorsque Ing-chen restait dans sa maison, en été, il n’arrachait pas l’herbe ; en hiver, il ne faisait pas démolir les vieux murs, de peur de tuer les insectes qui s’y trouvent. Dans la suite, il eut un fils nommé Jou-yu, qui fut un ministre célèbre sous la dynastie des Song. » Traduction de M. Stanislas Julien, p. 73.