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LIVRE PREMIER.

vers ce qui est beau et grand, vers ce qui peut honorer la carrière d’un homme, embellir une cité et l’élever au-dessus de ses voisines. Qu’ils soient libres ou retenus par la main d’un maître, les peuples n’aspirent qu’à voir chaque jour éclore au milieu d’eux quelques nouveaux chefs-d’œuvre.

Ces sentiments sont au plus haut degré ceux des princes et des citoyens opulents. Tous semblent ne faire cas de leurs richesses que parce qu’elles leur permettent d’attirer à eux les grands savants, les grands artistes, de faire bâtir des édifices, de patronner des œuvres littéraires qui immortaliseront leur mémoire. Tous, papes et cardinaux à leur tête, répandent sans trop compter leurs largesses sur les hommes qui ont su prouver leur supériorité ; ils ne marchandent pas les marbres, le bronze, la main-d’œuvre, ne calculent pas le rapport qu’il peut y avoir entre leurs dépenses et leurs revenus ; ils vont de l’avant et au besoin s’endettent ou engagent leurs joyaux les plus précieux. La possession d’un artiste éminent devient une affaire d’État, et l’on devait voir, au commencement du xvie siècle, le pape Jules II menacer Florence d’une guerre si elle ne lui rendait son Michel-Ange. On construit sans nécessité, et presque avec la même facilité qu’on commande un morceau de sculpture, une pièce d’orfèvrerie ou un tableau. Un souverain pontife, Pie II, va jusqu’à rêver la création d’une ville, Pienza, qui s’élèvera sur l’emplacement de son village natal de Corsignano ; et, dès 1460, il charge son architecte, Bernard Rossellino, d’en tracer les rues, d’y élever un palais, un évêché et une cathédrale, travaux