Depuis le premier jour, je connaissais Adam, le mauvais sujet de la grande classe ; sept ans bientôt, assez grand, trapu, blond, le teint coloré, la face tauresque ; l’apparence d’un hercule pas méchant, un peu narquois, doué de cette intelligence ronde qu’on appelle un gros bon sens ; le regard gai, hardi, coutumier d’une fixité limpide à déconcerter même les grandes personnes. Il représente la vie puissante décidée à s’élargir sans précaution ; au déjeuner, il finit les gamelles restées en souffrance, il mange le gras ; à la récréation, il règne, il conduit toujours une bande, il est particulièrement autoritaire avec les filles.
Il vient à moi, son tablier retroussé, les deux mains dans les poches de pantalon et tranquillement, avec philosophie, le regard voyageur, il me dit :
— Elle m’a f… à la porte.
(Les enfants ont un langage d’apparat pour les maîtresses, mais entre eux, dans la cour, dehors, ils reprennent le style du quartier.)
— Tiens ! qu’est-ce que tu as donc fait ? m’informai-je avec beaucoup d’intérêt.
Un haussement d’épaules :
— Ah ! je rigolais.
Et il se détourna vers la cour sans plus s’occuper de moi. Je fus piquée de ce peu d’expansion ; une impulsion inexplicable me fit simuler la plus violente indignation :
— Eh bien, je vais la disputer, Mademoiselle. Dans un instant c’est la récréation : gare là-des-