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Comme je me sens mieux ! on dirait que la lampe a réchauffé toute ma chambre. J’aurais tort de me plaindre : n’est-ce pas moi qui ai la plus belle famille ? Je peux dépenser à plein cœur toutes mes forces d’affection et, voyons, cet attendrissement qui me pénètre me prouve aussi que je suis aimée !

Mais oui ! Je connais tous les petits par leurs noms (je n’ai plus besoin de les chavirer pour lire leur marque) et ma sensibilité sait même établir une distinction entre chaque… Il y en a de si laids que leur regard m’arrache de ma place et me fait venir, toute penchée. Ces exigeants, ils m’ont complètement adoptée ! Il arrive aussi qu’un petit se dérange sans parler et, levant irrésistiblement vers moi son museau souffreteux, m’apporte ses pauvres mains rouges à dégourdir… Alors, alors, il faut bien croire que la maternité est en moi, sans quoi cet enfant ne la solliciterait pas si impérieusement… alors, il est bien certain qu’un petit enfant, quel qu’il soit, appartient à toute grande personne… des fibres rattachent une génération à une autre.

Je connais aussi, par leurs noms et par leurs types, la plupart des moyens et des grands ; mais eux ne commercent guère avec moi.

On ne se figure pas combien il est rare que des enfants accordent leur attention à qui ne les soigne pas constamment. Ils vous lorgnent, ils notent vos ridicules au passage, avec leur extraordinaire faculté d’observation, ils s’adressent à votre complaisance, mais vous ne faites pas partie du monde