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Vraiment, je ne peux plus aller rendre visite à Mlle Yvonne de Pérignon, avenue de Villiers, près du parc Monceau.

Mme Paulin m’avait invitée, au début.

— Venez donc prendre le café, rue des Maronites, à deux pas d’ici ; y a des voisins, des jeunes gens ; on blague.

Je n’ai pas accepté, à cause de mon oncle, censément. Et je suis affreusement seule.

Le quartier revêt son aspect du dimanche : quelques boutiques sont fermées, les commerces de vins sont plus encombrés, ils vendent beaucoup « à emporter », le comptoir devient ami de la famille ; on voit des bambins se hausser sur la pointe des pieds pour poser leur fiole vide sur le zinc. Les passants plus rares s’offrent une allure de baguenaude ; les gens « bouclés » pendant la semaine se mettent à l’air, les autres au contraire, fatigués d’être dehors, restent chez eux. Ces gens du dimanche rendent la rue inhabituelle et plus étrangère.

Au cours de ma promenade, j’ai reconnu avec plaisir des enfants de l’école. Devant chez moi, deux garçons, à plat ventre sur le trottoir, soufflaient dans le ruisseau sur un bateau fait d’un bouchon et d’une allumette. Quelques-uns, mêlés à des grands de l’école primaire, armés de manches à balai, formaient des groupes belliqueux ; je ne suis pas sûre que les grands seuls fumaient. Une bande, se livrant au jeu ultra-chic du traîneau, fauchait le trottoir : deux gamins s’accroupissent sur une planche supportée par quatre roues hautes de