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mépris malveillant ; d’autre part, j’appartiens à l’administration à laquelle se doit quelque déférence intéressée.

Le jour de mon début, une mère à qui je délivrais sa fillette l’arrêta contre la balustrade :

— Fais voir si tu as ton mouchoir ? Ah, bon ! le voilà… C’est que je ne veux pas vous en laisser un tous les jours, dit-elle, en me toisant de coin et en secouant la tête pour ajouter implicitement : Je sais que vous empochez les mouchoirs qui traînent, mais, moi, on ne me roule pas.

Mme Paulin, énergique et protectrice, me « remonte » de temps en temps.

— Il faut être d’accord avec les parents des gosses, mais il ne faut pas avoir peur de leur parler.

En grattant ses bras nus, elle m’étudie avec curiosité et mécontentement ; elle flaire en moi quelque chose de pas ordinaire et qui ne l’enchante pas :

— Vous, vous auriez mieux réussi d’être entretenue par des étudiants, m’a-t-elle dit une fois, dans sa bienveillance bougonne.

Et, de fait, en un mois, je ne suis pas encore adaptée. Pour être bien la femme de mes fonctions, il faut que je devienne du même monde que les enfants, que leurs mères, que Mme Paulin. J’y incline : je sens que le milieu me transforme, que des quantités de forces contribuent à me niveler, à m’incorporer. Malheureusement, « la bête ne vaut pas cher » ; et, d’abord, je me rends bien compte que je manque de camaraderie avec ma