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la maternelle

quand il faut se baisser, s’aplatir, s’appliquer à la propreté sous les yeux hauts et froids d’une supérieure en tablier noir, sous les yeux amusés de cinquante enfants, Rose devient un peu pâle… et s’il n’y avait pas les quatre-vingts francs par mois pour vous remettre le cœur…

Bien entendu, M. le délégué cantonal a daigné me regarder pour la première fois avec quelque insistance, à un moment où je nettoyais le plancher.

Il a dû le faire exprès ! Toute ma dignité de créature humaine a réagi en une sueur subite.

M’a-t-il assez examinée, ce monsieur, avec ses mains gantées pleines de brochures et son air de somnolence pensive ! Il expliquait à la directrice les avantages du linoléum sur le parquetage.

Dessine-t-il ?… J’ai l’échine un peu maigre, n’est-ce pas ?…

A-t-il comparé les postures ? La normalienne n’était pas à trois mètres de me marcher sur les mains.

Si ce Libois avait donc pu glisser et s’étaler tout de son long !… Il me semble que désormais nous ne serons quittes qu’à égalité d’humiliation.

D’ailleurs, ce monsieur est fondé à montrer quelque suffisance : la présence d’un personnage mâle détenteur d’une parcelle de la puissance publique, dans une école tenue par des femmes, propage un indiscutable émoi.

Dans ce milieu si spécial, on aperçoit avec une singulière amplification « l’état de commerce »