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la maternelle

C’est qu’il faut voir ces brimborions, ces riens qui vous viennent à peine au genou : ces corps sans poids où saillissent des os de chat maigre, ces malheureuses frimousses cireuses ! Ça ne tient pas debout, ça vacille même assis, il faut continuellement que ça s’appuie des yeux sur une grande personne. Et il faut voir leur vigilance à ne pas perdre ma trace : dans l’isolement et la bousculade de l’école, je suis la consolation et la protection. Il faut absolument que je réponde à cette confiance touchante… C’est un peu fort !… je suis prise malgré moi… Mais quel rôle écrasant ! Pourrai-je ?… Voyons, mes pauvres enfants, je ne suis pas préparée, moi… si vous saviez : je ne suis pas maternelle… je suis une jeune fille qui n’a eu ni frère, ni sœur… J’essaie, je veux bien… un petit jupon détaché, un petit doigt qui a du bobo, voilà, voilà, je fais de mon mieux… Mais, mes pauvres enfants, vous êtes si peu appétissants, si lamentables !… et vous sentez l’aigre, la crasse, le linge douteux.