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la maternelle

Elle me laissa, et je me tirai d’affaire passablement.

Mais j’étais ahurie par le bruit incohérent de mes marmots ; leurs pieds surtout ne cessaient pas de tapoter et de racler. Mes « chuutt » et mes agitations de main ne produisaient aucun effet. Et soudain, derrière moi, la directrice proféra je ne sais quel mot, épandit je ne sais quel signe : tout se tut.

Alors, j’entendis et je vis qu’un exercice de lecture au tableau était déjà en train, dans la classe des grands, éclairée sur la cour et séparée de celle-ci, donnant sur la rue, par une simple cloison vitrée. J’entendis, au premier étage, dans la classe des moyens, une récitation unanime.

Et je connus le silence particulier d’une école : un silence ronflant, vivant. Ou plutôt, faut-il dire, le bruit ordonné, groupé, équivaut au silence. C’est le désordre du bruit qui est fatigant, mais le son réglé d’une classe ne se mêle pas à la représentation d’une autre classe, on l’écarte à volonté.

— Allez préparer vos paniers pour le déjeuner : n’oubliez pas la sciure humide sur le parquet. Surtout ne quittez pas le préau ; ces dames peuvent avoir besoin de vous d’un instant à l’autre.

Vers dix heures, des pas précipités me firent sursauter : un monsieur s’était introduit dans l’école. Il s’arrêta, le temps de me toiser et de me crier : « Madame la directrice ! » puis il fila tout droit à la petite classe.

Mme Paulin accourut, l’air effrayé :

— C’est le délégué cantonal ! Vous avez été nom-