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satisfaction de peine récompensée, de loisir gagné, je tournais la tête à droite, à gauche, pour jouir tout de suite des vacances. Quant à demain, j’étais soulagée complètement ; les choses s’accordaient je ne sais comment : j’irais demain chez mon oncle — et cependant je ne déserterais pas.

Toutes les devantures de marchands de vin flamboyaient et toutes les lanternes d’hôtels meublés : le vins-restaurant, le vins-tabac, le vins-crémier, l’épicerie et vins… et l’hôtel des Passagers, et l’hôtel de l’Habitude… Dans la rue traînaient encore des odeurs d’absinthe et d’oignon, et déjà des relents de musc ; on ne voyait plus de petits enfants, mais des moyens couraient encore et criaient ; des passants allaient, étranges, imprécis, lents comme des gens en avance ; c’était encore la soirée, pas encore la nuit.

Un bien-être m’envahissait, une douce fermentation : tout se tenait, l’école, les maisons, l’éclairage, l’odeur ; cela formait un milieu ami, où l’on était chez soi, à sa place, dans son quartier.

J’appréciais l’organisation des choses : avoir quinze jours de repos payé, avec cette conscience du devoir accompli, avec cette espèce de provision d’honneur !

Deux femmes se concertaient dans le retrait d’ombre de l’école, juste avant la lumière blanche du marchand de vin attenant. Je les connaissais ; l’une était la mère de Léonie Gras, l’autre, son nom m’échappait.

— Bonsoir, dis-je, en secouant la tête comme une