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Aurai-je maintenant l’égoïsme de déserter ?

— Mes enfants, annonce la directrice, comme c’est le dernier jour de classe, la dame déposera les photographies chez la concierge de l’école ; la semaine prochaine, chacun pourra en retirer une, moyennant cinquante centimes.

La dame aux gants troués s’empresse de réclamer, en cachette, que l’on veuille bien « en donner quelques-unes gratis, aux plus pauvres ». La dame au corsage reprisé flaire la population de l’école, elle n’a pas peur de ne pas en vendre beaucoup, elle a peur que tout le monde n’en ait pas.

En place pour le premier groupe, dans la cour, à l’opposé du marronnier et des cabinets ; les élèves de la grande classe par étages : une rangée d’enfants accroupis sur les cailloux, ceux de la seconde rangée assis sur des bancs, ceux de la troisième rangée tout debout par terre et ceux de la quatrième rangée debout sur les bancs.

L’ensemble de l’étalage rappelle les exhibitions de ce marché de brocanteurs dénommé « le Marché aux puces ».

La normalienne anémique — selon le devoir de toute bonne institutrice à la fin de l’année scolaire, — fiévreuse, fanatique, s’évertue à maintenir la tranquillité dans les rangées : il ne faudrait pas de flottement et pas de mauvaise tenue.

Et, tout d’abord, mon cœur se serre au spectacle dérisoire de cette jeune fille, usée à vingt ans, chargée d’entraver et d’embellir ce demi-cent de gamins, ce lot débordant de pauvreté, de laideur, de maladie