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« À la douce, cerises, à la douce ! » Une femme guère plus grande, ni large que la Souris, une arête de dos toute pointue et une voix si sympathique « de bonne misère », demandant seulement à rendre service et à manger. Je m’étonnais que les gens ne fussent pas crochetés par cette voix, si persuasivement chantante sous l’écrasement ; je m’étonnais que toute la rue ne s’approchât pas…

Cette femme est capable de tout. Sûrement les petites Leblanc ont affaire à elle. J’avais demandé naguère à l’aînée comment s’arrangeait son dîner :

— Papa est trop ennuyé le soir, il me dit : « Tiens, v’là six sous, achetez ce que vous voudrez. » Il s’en va ; j’achète du saucisson ou du brie, on se couche, on ne le revoit plus.

À présent, j’augure que les petites Leblanc mangent de la soupe le soir : depuis peu, la plus jeune semble avoir les joues mieux nourries. Miracle ! c’est comme de la vraie chair qui lui viendrait à la figure !

Un souvenir, à propos de Louise Cloutet et des cadeaux qui sont envoyés à l’école par les parents du quartier des Plâtriers. Le surlendemain du jour de l’an, j’ai vu la Souris arriver en royal appareil : un brin de plumeau à son béret, drapée jusqu’à terre d’un capuchon éteignoir.

Et quand vous auriez vu Dieu le Père tenir en sa main l’univers, — j’ai vu la Souris apporter une orange !

Allons, je ne resterai plus un seul jour sans écrire ;