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Quoi encore, maintenant ? un flottement, une agitation, tous se penchent du même côté. En effet, il se produit un fait incroyable, insensé, abasourdissant : Gabrielle Fumet a trouvé un biscuit dans son panier ! Cela dépasse tellement tout ce que l’imagination la plus folle aurait pu inventer d’impossible, — il est tellement extravagant que Gabrielle Fumet puisse « avoir du dessert », que tous s’émeuvent, bayent, rient, se regardent pour bien se reconnaître et murmurent, en rêve : Gabrielle Fumet !…

Mme Paulin dirige vers moi un sourire entendu qui signifie : « Farceuse, va ! » mais, j’en ai autant à son service. Mme Galant nous considère aussi l’une après l’autre, avec un clignement de connivence. Le mystère ne s’éclaircira pas. Irma Guépin rit aux anges — elle n’a jamais rien vu de si heureux ; elle donne son dessert à Adam ; immédiatement une contagion de partage se déclare et ce n’est pas seulement Gabrielle Fumet, c’est Vidal, Tricot, les Ducret, dix autres qui mangent du dessert pour la première fois de leur vie !

Après le déjeuner, je siffle en balayant, puis je parle toute seule :

— Soyez moins nombreux et tout le monde aura du dessert. Je me demande si c’est avec préméditation que les misérables sont si prolifiques ? C’est plutôt par ignorance, qu’ils pèchent ; dans ce cas, je placerais au-dessus de tout la haute moralité la charité, de leur enseigner à ne pas procréer criminellement.

Je maudis ma stupide situation de demi-savante…