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de coucher le petit dernier dans le lit des parents : comment empêcher qu’il roule par terre ou qu’il soit écrasé ? Eh bien, on a un excellent moyen, employé dans toutes les familles, surtout en été : la mère dort sur le dos, le petit entre ses jambes ; rien de plus pratique, et aucun danger ; il peut ballotter à droite, à gauche, il ne tombera pas et il est très bien, là dans le creux. Je vous dis, c’est le bon système : chez les Pantois, le ménage n’a qu’un lit d’une personne, deux gamins dorment par terre, le père dans le lit couche, de champ, contre le mur et le dernier gosse entre les jambes de la mère ; bonté divine ! il n’y a pas un pouce de terrain de perdu.

Tout de suite, je saisis l’occasion : il va m’être facile de démontrer que ce n’est pas aimer les enfants, ni rendre service à la société, d’en avoir quatre quand on ne peut en loger, en nourrir, en soigner que deux. La belle avance pour le pays d’assumer des frais de végètement et de mortalité !

Mais Mme Paulin m’interrompt, la mine grave et, avec un accent religieux :

— Une grande famille c’est toujours beau ; ainsi, chez moi, nous étions une belle famille : onze enfants.

— Tous vivants ?

— On ne sait pas.

— Comment ? on ne sait pas.

— Dame, non ! Sitôt qu’un avait dix ans, il partait, cédé à des maîtres pour sa nourriture : on ne le revoyait plus jamais. Je ne connais pas six de