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Il y a quatre frères et sœurs du nom de Ducret, à l’école ; des enfants malingres, avec accentuation à mesure que les âges descendent, mais aucune difformité ; ils n’ont d’effrayants que les yeux, hagards, trop écarquillés et vacillants. Généralement, leur panier contient la valeur d’un sou de pain pour eux quatre. Ils ont toujours faim ; leurs yeux de fringale vous suivent dans le préau, dans les classes, dans la cour. Un jour de cet hiver, nous avions commencé de déjeuner, Mme Paulin et moi : après quelques bouchées nous avons cessé, nous ne pouvions plus consommer notre pain ; et Mme Paulin a dit le motif : « On sent la faim des Ducret, d’ici… »

Trois de ces enfants s’en vont seuls, à quatre heures, mais la mère vient chercher le dernier, âgé de deux ans, parce qu’il a des vertiges ; de temps en temps, il tourne sur ses jambes et tombe comme une masse.

La veille de Pâques, on l’avait oublié ; je dus le reconduire à sept heures, rue des Panoyaux.

La concierge rit sur mon passage.

— Ah ! vous auriez attendu longtemps qu’on aille vous le réclamer ! Le père est rentré plein d’absinthe, y a de l’occupation là-haut.

Je monte et je trouve, dans l’escalier, assis de marche en marche, d’abord les trois Ducret de l’école maternelle, puis trois autres plus âgés. Ils devaient être là depuis longtemps et, d’après leur façon de regarder la porte du logement, ils attendaient, pour entrer, la terminaison d’une chose