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homme-là sont morts, sauf Eugène ; ils étaient tous estropiés… (Tous, on dirait qu’il s’agit d’une quantité, une vingtaine au moins.) J’en ai d’autres de meilleure santé, — ajoute-t-elle d’un air récompensé, avantageux (et comme un commerçant dirait : J’ai des produits d’autres marques meilleures,) — tenez, en v’là un, d’un cocher, il n’aura qu’un peu de coxalgie, là, dans la hanche…

Elle secouait sur son bras un avorton ratatiné, verdâtre, inerte.

Par une subite et puissante clairvoyance, devant cette femme inconsciente et ses deux lamentables procréations, ma mauvaise humeur a laissé l’école et s’est attaquée aux parents.

Gare à vous ! voilà du nouveau.

L’année scolaire prendra fin dans deux mois, mon expérience grandit. Ce soir, je suis très forte. Les objets autour de moi projettent une médiocrité austère. Ma privation, toute ma privation de fille pauvre m’élève à la vision justicière. Le silence de ma chambre — comme le calme en moi — est solennel. Je touche à la vérité.

La mère Vidal est là, dans ma pensée, avec ses deux avortons, qui attend un verdict, — et d’autres sont là qui attendent de comparaître… Et je sais maintenant que la sévérité première de mon jugement portera sur le crime des parents !

Il faut dire d’abord que j’ai des motifs d’être si hautement calme !…

Il ne vient plus !