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« Un Arabe mourant de faim dans le désert, trouve un sac d’argent ; il aurait bien préféré trouver un sac de dattes, aussi rejette-t-il avec dépit ce trésor inutile. Morale à développer : l’argent ne rend pas heureux, il faut le laisser aux gens déraisonnables. »

Je dénonce la tromperie malfaisante de cet enseignement, puisque l’argent est le sang vital des sociétés actuelles. Déplorez le fait, si vous voulez, mais ne faussez pas la réalité.

Ah ! les bons élèves crédules, Léon Chéron, Irma Guépin, la Souris ! Ah ! mes pauvres visages pointus !… à l’assassin ! à l’assassin !

J’étais donc dans une disposition d’esprit défavorable ; à la sortie du déjeuner, la mère de Vidal — le bossu ornithobatracien — a voulu absolument bavarder un peu.

— Votre Eugène n’a pas de chance, dis-je, il me semble que son cou et son épaule se paralysent, sa tête ne tourne plus…

Très misérable, un nourrisson sur le bras, la mère Vidal détient un accent d’acceptation résignée impossible à imaginer ; elle vous expose, avec une conviction irrécusable, des nécessités stupéfiantes :

— Le père était alcoolique ; n’est-ce pas ? c’était forcé : il avait été au Tonkin cinq ans… il avait la médaille, c’était forcé qu’il soit alcoolique — et vous savez comme les alcooliques ont des enfants, à chaque coup, ça ne peut pas rater, vous le savez… eh bien, tous les enfants que j’ai eus avec cet