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leur panier du déjeuner, sont allés aux Buttes-Chaumont — les pattes flâneuses, le nez en avant, renifleur, attirés par l’odeur. Ils ont mangé leur pain, assis par terre, dans le jardin. Mais, la fillette fatiguée a fini par se mettre à pleurer, le garçon n’a plus reconnu son chemin. Un cantonnier les a ramenés à trois heures, un peu avant la fin de la récréation. Grand scandale ! On les a plantés contre le mur, au pilori ; toute l’école a défilé devant eux. Il y a eu un speech de la directrice, sur ces deux vagabonds qui auraient pu être ramassés par des saltimbanques.

Oh ! la tête des deux vagabonds sanglotants ! Le frère avec un grand front, un nez large, la sœur avec une de ces bouches trop fendues, faites pour vomir les cris puissants de rassemblement. Et le défilé ! Les tout petits qui suffoquaient et commençaient à pleurer, par contagion ; la mine pensive de Tricot, l’air narquois de Bonvalot, le regard apitoyé de la Souris et la mine rancunière de Léonie Gras, qui n’a pas voulu regarder, elle !

— Parbleu, c’est les deux Pantins, m’a dit Mme Paulin ; ils s’appellent Pantois, mais on les surnomme Pantins, parce que l’été, vous verrez, ils sont tout raides, tout mal articulés. Ah ! les deux petits bougres, ils sentent venir l’été !… Figurez-vous qu’ils sont quatre enfants, il y en a un plus grand et un plus petit que les deux d’ici, avec le père et la mère, ça fait six personnes : ils habitent une chambre au sixième étage, si bien exposée qu’en été il est absolument impossible de dormir