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besoin de m’éparpiller qui se tourne en nostalgie !

Le marronnier noir avec ses bourgeons blancs et roses prêts à éclater m’a singulièrement attendrie. Est-il assez faubourien et spécial en son genre ! Il pousse là enfermé entre quatre murs, dans le sol parisien sans humus ; il a un entêtement de pauvre à vivre étiolé, sans suc, sans brise, martelé, tailladé par la cohue des récréations, il prouve un enracinement tenace pareil à celui des enfants d’ici qui poussent sans air, sans chaleur, sans nourriture.

La journée habituelle s’est écoulée. J’ai été arrachée à mon spleen par l’engrenage du service.

Le médecin et le délégué cantonal sont restés longtemps en conversation avec la directrice pendant la récréation. J’ai entendu que l’on se préoccupait des épidémies inévitables favorisées par le changement de saison.

— Vous vous rappelez, l’année dernière, nous avons eu des quantités d’oreillons, de scarlatine et de petite vérole ?

La directrice, qui aime bien son petit peuple, sourit tristement :

— Oui, après le mois d’avril, il se fait des vides comme après une guerre — nous avons un tas de noms qui disparaissent… puis la mairie envoie des fiches nouvelles, les trous se bouchent…

M. Libois me regardait épousseter un bébé grognon ; irrésistiblement nous avons souri l’un vers l’autre, en pleine pitié, hors de toute préoccupation profane et pourtant avec une sincère pénétration. Je ne garde aucune gêne de cet échange… une