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— Oui, oui… va à ta place.

— Alors, ma vieille, y a du bon.

Au bout d’une semaine, finis la spontanéité, le bavardage confiant, finie la nature ! Le petit enfant rieur et ingénu, le sans-souci du premier jour n’existe plus : « On ne dit pas ce qu’on sait, — on ne bouge pas à volonté. — Regarde, mais tais-toi et reste là. » Un vrai dressage de chiens savants, ces pauvres petits, comiques et piteux, qui s’oublient à chaque instant et doivent ravaler leur langue, rentrer leurs gestes. Et ne sommes-nous pas à plaindre de fermer ainsi l’âme même de l’enfant, au lieu de l’explorer au plus large, selon l’idéal !

Ma critique n’est probablement pas exempte de parti pris maladif ; cependant, on devra imputer aussi quelque responsabilité à certaines coïncidences regrettables.

La récréation d’aujourd’hui. L’explosion habituelle, le fouillis des têtes, des bras disloqués, les cris pour le plaisir de crier, le galop pour le plaisir de galoper. Puis, les mots si charmants :

— Louise, veux-tu, on va jouer au papa et à la maman ?

Alors, Louise, angélique, sérieuse, pas en train :

— Ah ! bin, non, j’me bats pas.

Mais, au bout de la cour, à l’opposé de la bande d’asphalte où piétinent les maîtresses, en revenant de travailler aux cabinets, je surprends une vingtaine d’élèves, filles et garçons, Bonvalot, Adam,