nant l’école. Si une mesure inusitée paraît s’imposer, les adjointes consultent naïvement, inférieurement, de façon que l’initiative émane de Madame. Mais enfin voyons (notre pain rassis, à Mme Paulin et à moi, est insuffisant), ne pourrait-on organiser « un service ad hoc » ? Le matin, à l’insu de quiconque, une main discrète glisserait un trognon dans chaque panier vide.
Nous regorgeons de dames patronnesses prêtes à souscrire. Et le président de la délégation cantonale, donc ! En voilà un qui est disposé aux participations généreuses. Il accompagne parfois M. Libois.
Il a la manie des discours solennels et neufs, toutes les classes réunies, dans le préau :
— Mes enfants, je suis été petit comme vous…
C’est un ancien entrepreneur enrichi. Je l’aime bien ; il distribue des sous aux gamins qui le reconnaissent dans la rue et nasillent tout au long, sans se tromper :
— Bonjour, m’sieu l’président de la délégation cantonale !
Il m’a interpellée une fois, en me crochetant le menton de son index :
— Vous, la fille, si vous lâchez votre place, venez me trouver ! Vous avez l’air d’une bonne bougresse.
Dieu me pardonne ! j’ai vu rougir M. Libois. D’ordinaire on s’émeut ainsi pour les gens auxquels on tient de près. Par exemple, on rougit de voir son père ridicule.