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Et je me lève.

Alors Tricot s’élance, s’accroche à mon tablier et, pleurant, les yeux hagards, cherchant mes yeux pour les fasciner, il parle d’une modulation rapide et caressante, avec toute la persuasion d’une grande personne qui veut embobiner un bébé :

— Si tu veux me garder encore, je te mènerai voir où qu’on vend des gâteaux… tu sentiras comme ça sent bon… tu verras qu’on met du sucre dessus avec une boîte à sel… tu verras…

J’éteins le bec de gaz, au-dessus de ma tête et je me moque :

— Tu verras… tu sentiras… en v’là un beau régal.

Alors, éperdu. Tricot arrache de ses entrailles le cri suprême :

— Je t’apporterai un sou !

Il a bien fallu que j’éclate de rire pour ne pas éclater en sanglots.

— Voyons, tu ne devines pas que je plaisante ? Je ne m’en vais pas… tu sais bien qu’il faut encore que je balaie.

Tricot a été un moment avant de se remettre, haletant, regardant le parquet sali. Tout de même, il m’a fait rasseoir et il s’est planté debout contre mes genoux, les mains dessus, pour que je ne me relève pas ; il a essuyé ma joue mouillée avec le coin de son tablier et — tout de même — pour plus de sûreté, il a tenu à me distraire en me racontant « Le petit garçon qui était tombé dans un puits ».

Le gaz fait : chuutt ; là-bas, le lavabo, le calorifère, les patères au mur… Un grand silence ; le