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des chaussettes, — et que les boutons de tablier restent décousus.

Accablée sous le regard de la classe, Mlle Brouillon se durcit, dans le sentiment du blâme immérité.

Et il y a sa voisine, Léonie Gras, — l’air pas bête et pas commode, — qui sait la fugue de la mère et qui fixe de singuliers yeux récriminateurs sur la maîtresse.

Oh ! oh ! Mademoiselle la normalienne, prenez garde au sentiment de la justice aussi bien chez l’enfant réprimandé que chez l’enfant témoin !

Pensez donc ! La logique sentimentale détermine la personnalité présente et future : dès les premiers ans, l’enfant se fait une base de « justice possible » sur laquelle il appuiera toute sa vie ; et de la justice rendue à lui-même, il dégage sa propre dette de bonté.

Analysez Mlle Brouillon, le front contracté, les yeux sombres, la bouche serrée : sa faculté de comparer travaille, cristallise, forme du définitif. Prenez garde ! Sous l’influence de votre admonestation malavisée, Mlle Brouillon va fausser sa conscience.

Dans la plupart des cas, je crois que l’exemple du mal serait moins dangereux sans le soulignement de la punition. Celle-ci ne garantit pas l’avenir, elle n’intimide que les inoffensifs, tandis qu’elle donne de l’intérêt au mal. Infailliblement les enfants sont fiers d’un camarade coupable d’une action « à suite répressive ».