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vent trop fréquemment, — sans discernement.

J’ai pris des informations, moi. Parbleu ! ces enfants ont pour parents des camelots, des marchands des quatre-saisons, des ambulants, continuellement pourchassés et saisis par la police ! Les enfants ont, de naissance, ils ont par habitude, ils ont dans le sang, dans l’estomac, l’effroi du sergent de ville ; ils savent des exemples terrifiants de désastres causés par les « agents ».

Ce soir, au moment de la sortie de quatre heures, dans le préau, Mme Galant s’est tout à coup faite sévère :

— S’il te plaît, Kliner, j’ai promis avant-hier de te conduire chez le commissaire ; arrive un peu avec moi, mon bonhomme.

J’ai vu la mort passer sur le visage de Kliner ; ses yeux se sont retournés dans un horrible strabisme. On ne soupçonne pas la quantité d’épouvante que peut contenir la carcasse d’un enfant de cinq ans.

Évidemment Mme Galant ne calcule pas ses effets : c’est de la chance, quoi !

Mais, assez de couleur sombre, j’avoue qu’il est bon, parfois, de ne pas tenir compte de la situation de chacun ; par exemple, chez nous, on ne constate pas de préférence injuste, pas de traitement différent selon que les enfants paraissent être de famille plus ou moins aisée (imperfection fréquente des établissements privés, des écoles payantes). La pitié même se manifeste modérément et j’approuve : c’est souvent griffer la misère que de la plaindre ouvertement.