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la maternelle

obtenir, si tu n’avais pas tes sacrés diplômes ! Tiens, il y a une place de femme de service d’école maternelle… mais la condition, c’est d’être à peu près illettrée.

La logique le criait : jamais on ne me nommerait femme de service si l’on savait que j’étais bachelière, licenciée. Voyons, voyons, la main sur le cœur : par convenance, par égard pour l’instruction, par respect humain, — oui, monsieur, par respect humain, — on me laisserait plutôt mourir de faim !

J’étais atterrée ; mon oncle m’accablait de ses regards sévères.

— Je pourrais les déchirer, les brûler mes diplômes ? hasardai-je.

Un haussement d’épaules rebuté :

— Ça n’avancerait pas ; il en reste quelque chose sur toi, dans ta façon de parler… c’est ineffaçable.

Je baissai la tête sous le poids de mon indignité.

Mais la nécessité poussait son aiguillon insupportable. Il fut décidé que j’essaierais tout de même de dissimuler mes fâcheux antécédents ; je protesterais contre le soupçon d’une capacité supérieure à lire et écrire.

Ce fut fait bravement, ma foi, avec même une pointe d’espièglerie, au début, car je suis d’un tempérament assez enjoué.

Je hantai les bureaux, comme il convenait, pendant que mon oncle, de son côté, mobilisait ses relations les plus galonnées.

Ah ! cette tare de l’instruction ! Je ne sais quoi