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écoutez la leçon d’inertie, de routine, qui s’abat sur les nuques molles.

« L’ambition punie. — Il y avait une fois, dans un colombier, deux pigeons qui s’aimaient beaucoup ; ils allaient chercher du grain dans l’aire du fermier et se désaltéraient dans l’onde pure d’une fontaine. On entendait le murmure de ces heureux pigeons et leur vie était délicieuse. Mais, hélas ! l’un d’eux se dégoûta des plaisirs d’une vie tranquille. Il se laissa séduire par une folle ambition et livra son esprit aux projets de la politique. Le voilà qui abandonne son vieil ami. Il part du côté du Levant. Il voit des pigeons qui servent de courriers, il envie leur sort.

» On le met bientôt dans leurs rangs. Il porte, attachées à son pied, les lettres d’un pacha et fait au moins trente lieues par jour.

» Mais, un jour, le Grand Seigneur soupçonnant le pacha d’infidélité voulut savoir ce que contenaient les lettres. Une flèche tirée perce le pauvre pigeon et il tombe ensanglanté. Pendant qu’on lui ôte les lettres pour les lire, il expire plein de douleur, condamnant son ambition et regrettant le doux repos de son colombier où il pouvait vivre en sûreté avec son ami. Que d’hommes ressemblent à ce pigeon ! Ils dédaignent le bonheur qu’ils ont sous la main, pour courir après un bonheur qui, toujours, leur échappe. »

Il faut voir, dis-je, cet enseignement s’appesantir sur la misère des chairs étiolées et des tabliers rapiécés !