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J’ai fini par rabrouer mon oncle vertement ; il avait l’air de douter de ma conduite.

Et je ne veux pas approfondir cette histoire de concierge. Que m’importe ?

J’ai beau faire, une inquiétude inexplicable vit en moi. Des riens m’agacent, sans motif.

Et me voici dans ma chambre. Si seulement j’avais du feu, je serais moins mal pensante ; le bec de ma lampe à pétrole parcimonieux, avare, ne me communique pas l’égoïsme digne et accommodant du monde qui a chaud.

Le temps de monter mes six étages, mon dîner était figé ; et je ne m’habitue pas à ces gens à accroche-cœur attablés en bas dans la gargote, ni à leurs éclaboussures d’argot, ni à leurs bouchons, ni à leurs boulettes de pain.

Ma digestion ne s’accomplit pas, je ne peux pas me coucher ; pour un peu, je sortirais. J’ai peur et j’ai envie… Quel réconfort trouverais-je dehors ? Voilà bien de quoi soulager ma douloureuse aspiration vers une bonté aimante et belle : la rue des Plâtriers, le boulevard de Ménilmontant avec leurs ombres, leurs projections blafardes de débits empoisonneurs et ces gens à démarche rôdeuse qui ne vont nulle part et ces formes inquiétantes qui stationnent, et ces coups de sifflet sinistres…

J’ai honte de moi, je voudrais un prétexte… je voudrais avoir oublié quelque chose à l’école. J’irais… une fois les réverbères allumés, la fonction du quartier c’est la débauche… toute femme jeune