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leurs becs, leurs nez travaillaient, tels des menottes malhabiles qui cherchent à prendre un objet un peu trop gros, un peu trop lourd.

Mais comment faire durer cette minute sentimentale, tout de suite envolée ?

Il me semble que la classe a une âme collective, lourde, croupissante, où s’envase la servitude misérable : quelle peut être l’action de la maîtresse sur cette stagnation ? N’est-ce pas seulement une action passagère, rapide et vaine comme le souffle du vent sur l’eau ?

Ainsi, chez ces mêmes enfants si indignés contre Mistigris, j’ai vu réapparaître, au bout de peu de temps, l’inclination du peuple envers les brigands. Hier, Mademoiselle organise cette expérience d’inviter ses élèves à raconter eux-mêmes « la Mésange », chacun participera à la narration pour un épisode, à la suite. La parole est à Louis Clairon.

J’ai observé Clairon, un garçon de la catégorie simiesque, nature bretonne, à l’air intelligent et têtu.

— Y avait un chat qui avait faim…

— Mais non, rectifie Mademoiselle, Mistigris venait de déjeuner.

— Y avait un chat qui était en colère…

— Mais pas du tout…

Le parti pris était flagrant ; Clairon se rappelait très bien, mais il ne voulait pas que le chat-brigand fût sans excuse ; il n’a pas cédé :

— Y avait un chat qui n’avait rien du tout…