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» Alors, excité, le père s’envole, fait un cercle, sans bruit, vers Mistigris et revient à l’arbre. Mistigris effrayé ne bouge pas et, malgré ses prunelles qui ne veulent pas, il voit l’oiseau ! Il entend le silence des ailes, il sent leur battement.

» — Va ! va !

» Alors le mâle décrit des courbes de plus en plus rapprochées de Mistigris, et chaque fois aussi il revient se percher de plus en plus près de Mistigris. Il ne le quitte pas, il le vise, il mesure la distance, le voici sur la plus basse branche, le voici sur la rampe du perron, le voici sur une marche.

» Mistigris baisse le cou, il respire en dessous, de côté, il ne peut plus bouger ; le cri terrible de la mère le paralyse.

» Et soudain, oui là vraiment, le petit oiseau pas plus gros qu’une noix s’abat sur le front du chat, entre les oreilles et tiens donc, tiens donc, à coups de bec, furieusement, sur son nez : tiens donc, méchant ! mangeur de pauvres petits innocents.

» Puis il s’envole, va rejoindre la mère mésange.

» Un grand silence. Tout le jardin regarde Mistigris.

» Mistigris abattu, sentant que toute la nature est contre lui, toutes les choses et tout ce qui respire, ne pouvant plus rester devant l’arbre, ne pouvant plus rester devant les plantes, ni devant la lumière, Mistigris se coule misérable, la tête basse, la queue basse, vers la maison ; il se traîne dans un coin noir.

» Et tous les jours, au moins pendant un mois, dès que Mistigris, après le déjeuner, apparaissait