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» Mistigris s’en alla bouder dans la maison dont la porte restait ouverte.

» Le lendemain, comme d’habitude, après le déjeuner, la dame vient s’asseoir au bas du perron, à l’ombre. Mistigris derrière elle arrive, en s’étirant comme un paresseux ; il se place sur la dernière marche. Aussitôt, ah, mon Dieu ! une plainte déchirante sort du marronnier. C’est la mésange, la mère des petits oiseaux mangés, qui est perchée près du nid vide et qui reconnaît Mistigris. Elle lui envoie un cri, quelque chose comme un cuî, cuî, prolongé, mais non, un cri impossible à répéter et qui doit signifier : « Rends-moi mes petits, rends-moi mes petits ! »

» Et voilà cette plainte qui continue lente, pénétrante, toujours pareille. Alors, ce même gémissement, sans arrêter, toujours, toujours, cela fait une tristesse qui reste dans l’air comme du gris de brouillard et qui s’élargit, toujours, toujours.

» Les autres oiseaux du jardin se taisent ; on dirait que les feuilles cessent de bouger, que les fleurs se baissent, que les papillons se cachent.

» Ce n’est pas seulement une plainte d’oiseau que l’on entend, c’est bien plus grand : c’est une plainte de maman ! On dirait qu’il y a aussi l’arbre, le soleil, le ciel qui pleurent avec la mésange. Figurez-vous toutes les choses qui pleurent autour de vous. Sachez alors que toutes les mamans du monde, les mamans des enfants et les mamans des animaux, pleurent de la même manière quand on leur a pris leur petit, puisque l’on a fait du mal à la