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tables et les rangées d’enfants. Un mélange de chaleur, d’odeur et de bruit me pénètre, je soupire longuement et me regonfle. Je sens, comme au toucher, l’existence multiple, la respiration de l’école. Et j’aime les enfants-types qui ressortent dans le peuple des bancs ; j’aime la Souris et j’aime Bonvalot. J’aime le bruit des galoches au-dessus de ma tête, dans la classe de Mme Galant ; il ne cesse jamais nettement : dans le plus de silence que l’on puisse obtenir, il y a toujours, par-ci, par-là, des galoches qui raclent ; on pense à un locataire faisant son ménage et qui n’aurait jamais complètement fini.

Comment dire ?… Un bien-être fondant imprègne ma chair… je voudrais être sûre qu’il n’y a pas d’aspiration défendue dans mon enthousiasme pour le conte de maternité intitulé « la Mésange ».

Mademoiselle va commencer. Droite, sculpturale, le visage blanc et doux, au-dessus de son costume noir, elle a bien l’âme institutrice ; quelque chose d’unique, de professionnel s’émane d’elle et les enfants apprivoisés perçoivent bien qu’elle est d’une race à part.

Comme sa voix claire et prenante porte jusqu’à moi, au travers de la cloison, j’interromps les mouvements de bras et je dis à mes tout petits, d’un air de malice mystérieuse :

— Vous ne savez pas ? Nous allons écouter une belle histoire de Mademoiselle, comme si nous étions des grands !

Et nous voilà tous enchantés de cette espèce de larcin, de cette audition chipée aux grands.