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à l’année décisive : à la clôture, du définitif sera acquis, de l’irréparable sera consommé !

16 janvier. — Ce matin, la rue et la façade de l’école m’ont semblé toutes changées ; il gelait au moins à dix degrés ; la rue déserte et sonore dormait comme la cour triste d’un vieil et sale immeuble. Devant ma porte, un gros pavage extraordinairement bossué et défoncé résume le délabrement du quartier ; plus loin, le bout de pavage en bois paraît emprunté à une partie riche de Paris ; la façade de l’école cubique, en pierres de taille, d’une estompe de monument, avec son drapeau, ses affiches au rez-de-chaussée, tranche sans pouvoir s’accorder avec le gris jaune des maisons en plâtre, ni avec les devantures de boutique en bois peint de rouges variés.

J’ai attendu dans l’entrée que la concierge eût tourné le compteur et allumé le gaz. La lumière a jailli tout d’un coup, et j’ai regardé, comme si je ne les avais jamais vus, la vieille femme toujours muette, la loge, le cabinet et l’escalier de la directrice, les murs peints couleur vert d’eau et les trois tableaux d’honneur.

J’ai vite fermé les vasistas du préau, des classes et commencé l’allumage des poêles. Les bouts de cordes se balancent longtemps, comme, dans ma chambre, fait le cordon de rideau au-dessus de ma fenêtre : bonjour, bonjour. Un petit béret de fille oublié, coiffant une seule des deux cents patères du préau, évoquait une idée d’enfance et aurait suffi à