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bin. M. Libois est intervenu en sa qualité de docteur :

— Ça ne te fait pas mal là ?… ni là ?

Il se pourrait que la vibration mâle de sa voix eût un charme pour les enfants ; ils sourient avec confiance, ils n’ont pas peur de ses mains longues de savant.

M. Libois m’a demandé du ton le plus naturel :

— Petit traumatisme ?

On appelle cela, je crois, « jeter une sonde ».

Et moi, surprise par cette interpellation, au lieu de feindre de ne pas comprendre son mot grec, j’ai répliqué comme une étourdie :

— Ce n’est pas une plaie, une simple ecchymose.

J’ai senti, d’un choc, son regard et ma bêtise tout à la fois, comme un inculpé saisit, à l’avidité du juge d’instruction, qu’il a parlé imprudemment.

M. Libois a tourné les talons trop vite, tel un visiteur indélicat qui emporte un objet chipé.

Après tout, je m’en moque de sa curiosité.

Le fait grave, c’est que mon beau programme de suivre les améliorations quotidiennes jusqu’au bilan total ne m’inspire plus le même enthousiasme.

Et pourtant le drame est bien plus poignant que je n’avais cru tout d’abord : Adam, Louise Cloutet, Irma Guépin, Bonvalot, Gillon, Virginie Popelin, Julia Kasen, Léon Chéron, Léon Ducret, ces enfants types et leurs dérivés, vivent leur dernière année d’école maternelle, avant l’école primaire, c’est la fin de la petite enfance. J’assiste