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pas pour si peu. Mais, de longs cris montent de chez la sage-femme, des hurlements affreux de douleur et aussi des râles de fécondité, d’assouvissement, qui se répercutent dans ma chair en une tristesse intolérable. Je me remets à écrire sans bas, en camisole, je veux avoir froid, je veux que mes jambes se glacent.

Je me rappelle des récréations où le courant est de jouer au papa et à la maman : cela tourne toujours de telle sorte que, malgré les remontrances antérieures, Adam embauche une bande pour faire la noce. Des chérubins roses, des fillettes aux yeux bleus hallucinants d’infinie candeur, des innocents de deux ans, savent déjà la règle du jeu.

— Ohé, les autres ! on est en bombe.

— Tu paies un verre ?

— Viens donc, on a touché sa paie.

— Mais non, on est des « tonscrits » avec des « liméros ».

Ils se tiennent à sept, huit, par le bras, ils chantent avec des gestes, des zigzags de godaille. Les voix prennent le ton crapuleux :

— Eh bin, de quoi ? tu vas pas turbiner, j’espère !

La troupe grossit. Quelle ardeur ! quelle transfiguration ! Les plus misérables, les petits à nez sale qui ont toujours froid, ressuscitent. Richard l’affreux, qui ne joue jamais, cesse d’être délaissé ; on l’accepte, bras dessus, bras dessous. Julia Kasen se trémousse au bras de Bonvalot.

Il est défendu d’imiter l’homme soûl, dans la cour ; on entraîne Vidal, il ne demande pas mieux