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la maternelle

Le plus beau rire appartient à Irma Guépin. J’aime bien qu’elle reste tard, le soir ; je m’amuse à l’attifer, à ornementer sa chevelure opulente. Des yeux bleus écarquillés, un nez court, une bouche trop fendue, le front éclairé, une blondeur et une blancheur alsaciennes, elle rit tout le temps, à tout le monde et surtout aux garçons. Si elle ne changeait pas, ce serait le type de la fille facile par douceur, par envie de folâtrer, par tempérament bêta et bonasse. En voilà encore une sur qui l’école devra avoir une action des plus raffermissantes ! Pas de vice en elle ; ce ne serait pas une personne de mauvaise vie, à vrai dire, car elle ne garderait pas assez de rigueur pour vivre de son inconduite ; ce serait l’ouvrière sans mœurs, des romances populaires, en plein vent, qui se laisse cueillir par le plus hardi. Il faut voir comme Irma est « sans défense » devant Adam. Celui-ci, par exemple, n’a jamais de dessert, il n’hésite pas à s’adresser aux privilégiés et de préférence aux filles ; elles sont plusieurs qui ne lui refusent jamais. Il demande avec une autorité qui magnétise ; la gamine rit à son audace, à sa santé brutale, et donne. Il y a la soumission d’un sexe à l’autre ; on devine des générations de femmes battues par les mâles et gourmandes de la force.

Je m’assieds et elle se tient debout, entre mes genoux. Je ne possède plus de chiffons élégants, moi, je ne connais plus la coquetterie personnelle, et voilà qu’un plaisir m’alanguit comme si je reprenais mon miroir de jeune fille, mes colifichets