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la maternelle

Au milieu même de la journée, il m’arrive d’emmener un enfant chez qui le médecin inspecteur a reconnu des symptômes de maladie contagieuse. Les précautions sont des plus strictes ; la directrice fait écarter vivement les élèves, les adjointes, de l’enfant dangereux ; une sollicitude attendrissante vibre dans sa voix :

— Que personne n’y touche !… Rose, prenez-le par la main.

J’ai dû m’attribuer faussement une épouvantable gastralgie pour pouvoir refuser sans offense les nombreuses offres de café, imposées par le code du savoir-vivre. (À Ménilmontant, le hasard veut toujours, dans chaque maison, que le café soit justement prêt, là, sur le poêle.) Grâce à ma mine peu brillante, la chance m’a favorisée, il y a, comme ça, des réussites qui tiennent à peu de chose : non seulement ma gastralgie est acceptée, mais elle devient un fait du quartier ; j’ai déjà entendu plusieurs fois, dans le groupe des mères, devant la porte de l’école, cette apostrophe effrayante : « Quand vous aurez une gastralgie, comme Rose !… »

Le moment particulièrement propice aux rapprochements se doit situer entre cinq heures et demie et six heures. Quand il ne reste plus qu’une demi-douzaine d’enfants, la maîtresse qui était de service s’en va. Les mères viennent l’une après l’autre et, me trouvant seule, s’accoudent à la balustrade. Des « spéculations » variées :