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comme un chiffon et rendu si nul ? D’ailleurs, il a une sœur et deux frères plus jeunes et de pire acabit : rabougris, affamés, hagards.

Pour faire pendant à Léon Ducret, côté des filles, je citerais plutôt dix noms qu’un : Berthe Cadeau ? Gabrielle Fumet ? Vraiment je ne peux choisir, elles sont dix dans la classe qui se ressemblent comme des sœurs : visage vieux, allongé, chlorotique, grand nez, grand menton, physionomie d’une laideur triste vraiment pauvre, corps maigre sans grâce et même agaçant par trop d’apathie. C’est le type le plus nombreux et le plus adhérent au quartier. Ça ne parle presque pas, ça ne sait pas s’amuser, ça ne désobéit presque pas, ça décourage la taquinerie des garçons, ça n’existe presque pas : si bien, dis-je, que, dans le tas, il n’y a pas de sujet faisant relief. Et elles sont bêtes : l’esprit inextensible comme leur figure pierreuse, comme leur corps chétif ; enfin, au lieu d’énergie, de l’entêtement dans le nuisible, ou dans l’inutile.

Si l’école ne vivifie pas et n’arme pas cette enfance, que retrouvera-t-on dans quinze ou vingt ans ? une génération déjà végétante actuellement ; une humanité à peine profitable aux exploiteurs, lâche à décourager les philanthropes et stupide à justifier l’injustice exterminatrice. Reconnaissez-vous ces femmes capables seulement de geindre, d’encombrer sans lutter, n’ayant de fermeté que pour refuser d’oser ? travailleuses sans cases, toujours en surplus, quêtant, ramassant les bribes, se dispu-