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groupe les maternelles et, par amour pour « le sien », elle soigne, elle amuse les petits des autres. Elle danse en rond ; comme elle sait se rapetisser, se rajeunir ! Le poussin est laid et grognon ; quand il murmure une phrase, le visage de sa sœur, admiratif et ravi, se tourne vers chacun : « Hein ! est-il gentil et intelligent ! » Au milieu de la récréation, si la bande des brise-tout vient à passer, Louise Cloutet transporte le poussin à pleins bras, de place en place, hors de leur atteinte ; son front bouge, la vigilance semble le tendre et l’arrondir : Adam pourrait s’approcher avec sa grosse face et ses épaules de déménageur, il trouverait à qui parler !

Le poussin m’a néanmoins adoptée, comme les autres tout petits. Louise alors ?… Cela n’a pas été long : la première fois qu’elle a vu son frère cramponné en maître à mon tablier, elle m’a absorbée d’un regard intense et elle m’a connue. La Souris m’a promue son égale. La Souris ! Je tâche d’être digne de cette compagne maternelle qui, noyée dans le tas, d’un signe ami, m’élève aux régions immenses de sa brave sérénité.

Virginie Popelin, à la deuxième rangée, derrière la Souris, c’est la vicieuse née, incorrigible et hypocrite jusqu’au merveilleux. Blonde claire, bouclée, avec un minois de coquette chiffonnée, trop maigre, d’un rose trop déteint, agréable seulement à distance ; je la vois grandie, très dévergondée, mais pas dans la catégorie des filles perdues ; au contraire,