andis que Zola ajustait ses tuyaux entre le romantisme et un réalisme conforme aux exigences de son odorat, un phénomène de reviviscence dotait la branche d’oc de la littérature
française d’un certain nombre d’admirables œuvres. À l’origine
de toute reviviscence, il y a un homme de génie et son effort.
Vous nommez déjà Frédéric Mistral. Auprès de lui, Roumanille
et Aubanel, le premier chargé comme une abeille des diverses
essences de son terroir, le second, un des plus beaux et des plus
amers lyriques de l’amour. Alphonse Daudet était l’ami, le fidèle
compagnon de Mistral. Tout jeune, il m’apprit à l’admirer et à
l’aimer. Ce groupe enchanté des écrivains provençaux est lié à
mes plus chers et joyeux souvenirs. L’Arlésienne fait partie du
cycle, ainsi que les Contes de mon moulin. J’y rangerais aussi
Jean des Figues et la Gueuse parfumée de Paul Arène, homme
grincheux, prosateur exquis, dont les subtils accès de mauvaise
humeur et les trouvailles en matière de jouets parisiens ont tour
à tour stupéfié mon enfance. J’ai chanté le Bâtiment vient de
Majorque et Jean de Gonfaron des « Îles d’Or » en même temps
que Malborough et la Tour prends garde. J’ai, tout petit,
mangé des olives et des figues fraîches, bu du châteauneuf-du-pape
aux jours de fête, et ce mot « la Provence » a toujours
évoqué pour moi, si loin que je regarde en arrière, des routes
blanches entre les cyprès, des refrains, des rires, un amusement
fou.