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Au terrible fracas d’une nouvelle marche qui dominait l’écho de la précédente, parurent les professeurs de Faculté, Avigdeuse, Tismet, Malasvon, Boridan et les autres, sauf Charmide et Dabaisse que l’on ne voit jamais dans ces cérémonies. Une bande de nuance différente sur la robe indiquait les représentants de la Physique, de la Chimie, des Mathématiques ou de la Botanique. Et encore, et sans trêve, des étendards, des pavillons, des insignes, des Vive la Matière et des À bas Dieu. Tous ces pantins avançaient d’un pas de comédie, inclinant leurs vilaines trognes pour remercier d’applaudissements imaginaires. Les Académiciens se distinguaient par les costumes les plus comiques, des palmes, des brandebourgs, des manchettes de dentelles et des épées que traînaient ces hideux vieillards.

Venaient enfin les journalistes, avec Cloaquol, puis les étudiants nombreux et pressés, ricaneurs, sautant autour de leurs emblèmes, narguant cette foule dans laquelle ils ne voyaient qu’une matière à autopsies. En queue, le personnel des hôpitaux, nos collègues, les surveillants et infirmières, la petite Marie, Trouillot immonde et déjà ivre.

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Toute cette clique devait promener la Matière à travers la cité. Une commère nous expliqua complaisamment le trajet : « Ils iront aux hôpitaux, aux prisons, aux morgues, aux égouts, à la place des Exécutions électriques, à celle des Tortures expérimentales. Ils s’arrêteront devant les statues les plus célèbres. Ça va en être du bavardage et des menteries ! Après, ils remiseront leur Matière dans un hangar qu’on surveille toujours, parce qu’on a peur qu’on n’y mette le feu. Ah, c’est que nous ne l’aimons pas, monsieur, leur gueuse dorée ! — Circulez, circulez », criaient les agents de police, et je portais tout mon effort à ne pas quitter le bras de Trub.

Nous nous écartâmes, en longeant le fleuve, jusqu’à l’extrémité des faubourgs. C’était une succession de ter-