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L’ABERRATION ROMANTIQUE

courbée par les Rois, les moines, les soudards et les favorites. À partir de sa trente-cinquième année, c’est le thème fondamental de Hugo et c’est celui de Michelet et de Quinet, ce dernier aussi foncièrement absurde que Michelet, mais privé de ses dons merveilleux d’écrivain. Le dogme révolutionnaire et le dogme du progrès par la démocratie ont trouvé immédiatement, dans Hugo et dans Michelet, leurs tailleurs les plus somptueux, ceux qui les ont habillés le plus richement, tailleurs cousant les passementeries, les galons d’or et d’argent, les pampilles emperlées, sur la sombre défroque de la Réforme et la souquenille sanglante du jacobinisme. Le romantisme est une farandole, conduite par des assembleurs de mots remarquablement doués, qui entraînent à leur suite des rhéteurs et des politiciens. C’est une autre forme de la danse macabre. Il est entré, pour notre malheur, ce romantisme, dans les institutions et dans les lois, ainsi que dans les mœurs. Le code Hugo-Michelet, hélas, fait suite au code Napoléon. Toutes les grandes folies, politiques et sociales, étagées de 1860 à 1919, sortent de là.

Pourquoi le poison romantique a-t-il si bien pris ? Parce que l’ambiance y était. Il en a été de lui comme de la morphine, qui débute par une excitation agréable, par une euphorie, pour aboutir, par un stade de dépression, où il faut augmenter la dose, à un véritable abrutissement. Les violences révolutionnaires avaient sidéré l’élite du pays, coupé, tranché (c’est le cas de le dire) les communications entre la société la plus cultivée et la plus