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STUPIDITÉ DE L’ESPRIT POLITIQUE.

auguste (ô La Rochefoucauld !) qu’est le paysan de chez nous !

Il était naturel que l’agglomération urbaine, en se développant par la multiplicité des moyens de transport, la diversité des besognes industrielles et la hausse continue des salaires, appauvrît progressivement nos campagnes et dissipât ainsi notre principale richesse : le paysan et aussi le marin français, ce cultivateur de la mer. La faute initiale, cette fois, en est aux choses et non aux hommes. Mais l’inertie des hommes politiques (tenant à la paresseuse institution démocratique) a grandement ajouté, par la suite, à ce fléau. Seul entre les républicains, un type de grand commis d’autrefois, M. Jules Méline, dans un ouvrage remarquable, le Retour à la Terre, a vu le mal et indiqué le remède. Mais le système électoral universel, quelle que soit sa modalité, exige que le troupeau des électeurs (qui, seul, importe à l’élu) soit de plus en plus attiré, appâté et concentré dans les grands centres, où on le triture, où on le malaxe à la grosse, ainsi que dans les fabriques de Chicago. Le politicien se moque des hommes. Il ne s’intéresse qu’aux voix, et au nombre de ces voix. Il lui faut donc des parcs urbains de plus en plus denses, des centres de recensement, de numérotage et de pression de clan. Cependant que la finance, pour une autre forme de détroussement, appelle aussi le paysan à la ville, afin de lui soutirer son argent. Ce que le parlementaire fait pour les hommes, ce que la finance fait pour l’épargnant rural, la prostitution le fait pour la rurale. On