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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

édifice français, et cela de 1789 à 1914. Je songe à ceci, les mains jointes et les larmes dans les yeux, des larmes de reconnaissance, historique et mystique, analogues aux pleurs de joie de Pascal.

Quand tout s’éboulait, se lézardait, s’effritait, sous les vers pompeux de ces poètes fous, gambadant devant leurs miroirs, sous les tirades de ces farceurs d’assemblée, sous les lois démentielles de ces magistrats (honnêtes certes, les malheureux, et pavés de bonnes intentions), sous les émissions de ces manieurs d’or et de papier, sous les mirobolantes tirades de ces académiciens valets du pouvoir, de ces ministres aspirant à l’Académie sans connaître le français ni l’orthographe ; quand les arcs, les dômes, les piliers, les colonnes s’effondraient dans le gravat révolutionnaire de la poussière humanitaire et libérale, elle tenait, cette chaumine paysanne, elle demeurait debout, abritant le labeur de braves gens, leurs saines amours, la soupe et les gosses. N’est-ce pas là une consolation à tant de misères, volontairement et orgueilleusement amoncelées ? N’est-ce pas là aussi un bienfait venu de loin, du fameux pré-carré de nos Rois, et aussi de la longue tutelle ecclésiastique, prudente et sage, et aussi de ce sol merveilleux, unique et gras, qui se laisse diviser en parcelles et rejoindre en champs d’un seul tenant, qui a la bonhomie de son laboureur, de son vigneron, de son semeur ? Aux gloires bestiales, tambourinées, homicides du siècle révolutionnaire, romantique et maboul, qui ne préférerait la gloire anonyme et obscure, l’immanent et mûrisseur soleil de ce mort