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STUPIDITÉ DE L’ESPRIT POLITIQUE.

légifèrent, et qui repose sur plusieurs postulats irréels. Celui-ci, notamment, qu’un individu, sacré par le suffrage vague, flottant, de l’universalité, au premier ou au second degré, devient apte, par cela même, à déterminer et diriger la politique générale d’un grand pays. Confier cette politique (dont tout dépend) au produit du suffrage universel ou du plébiscite, c’est confier la montre au bûcheron. Il peut se rencontrer, par fortune, un bûcheron qui ait quelques notions d’horlogerie ; mais, même s’il a ces notions, sa hache ne lui permet pas de les appliquer aux rouages délicats de la montre.

La réalité politique méconnue se venge et cruellement. Il est donc arrivé, en quelques législatures, que le gouvernement républicain, en lutte chronique (la collaboration était impossible par définition même) avec le parlement, a imaginé, pour mater celui-ci, tout un réseau de corruption, d’intimidation et de manœuvres, dont l’ensemble constitue un impressionnant bagage. Ce bagage, unique compétence valable en politique républicaine, est le lot, à chaque génération, d’une équipe d’une vingtaine de gens habiles, rompus aux intrigues d’assemblée, et qui s’entendent ou se querellent, de clan à clan, pour la possession, à terme et à bail, du pouvoir. Chacun de ces clans, cherchant des appuis, les trouve, soit à l’étranger, selon les vicissitudes des ententes et alliances, soit dans la finance et les banques rivales. C’est à cela, à cette bataille confuse d’intérêts bancaires ou étrangers, sous les noms de clans opposites, qu’aboutit le