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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

mauvaise foi, en une image de Baal et de Moloch.

Sur ce point aussi, la défense du libéralisme, bien que facile, a été extrêmement faible. Ou plutôt, il ne s’est pas défendu. Du moment qu’il s’inclinait devant le fétiche révolutionnaire, qui bêle la paix universelle avec les pieds dans le sang, il devait s’incliner devant le coup de faux périodique, donné à travers des générations, devant ces mobilisations, où le grand-père se bat aux côtés du petit-fils. Monstruosité qu’avait su éviter la sage monarchie française, dans sa volonté de « toujours raison garder ». C’est que la paix est le chef-d’œuvre de la politique. Mais comment comprendraient-ils cela, les amateurs et doctrinaires de la guerre civile en permanence ?

On voit aujourd’hui où nous a conduits le principe révolutionnaire-césarien, d’après lequel il appartenait à la France de décréter la liberté au monde ! Je ne me rappelle pas sans effroi la salle à manger de Hugo, à Guernesey, où une statue de la Sainte Vierge, tenant dans ses bras l’Enfant Divin, était ornée des vers suivants du maître d’erreurs :

Le peuple est petit, mais il sera grand,
Dans tes bras sacrés, ô mère féconde,
Ô Liberté sainte au pas conquérant,
Tu portes l’enfant qui porte le monde !

Tout le romantisme politique est là : une parodie sacrilège des Évangiles, avec, comme aboutissement, le massacre. Mais, entre les deux, quel flux de paroles et de déclarations retentissantes, juste ciel, que de tribunes dressées, que d’orateurs vains !