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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

reculade chronique des libéraux et persuader même à quelques réactionnaires que la réaction ne devait plus s’avouer, que le mot même en était péjoratif. Qu’est-ce que la réaction ? C’est la tradition militante, le bon sens et l’expérience en armes et refoulant l’insanité révolutionnaire. Car le terme même de gouvernement révolutionnaire est absurde, comme la chose qu’il représente. La révolution est un cataclysme voulu. Le gouvernement, c’est l’organisation politique qui, dans l’État, assure l’ordre. On n’assure pas l’ordre au bénéfice d’un cataclysme… à moins qu’on ne soit un libéral. Donc l’esprit révolutionnaire a lui aussi sa tradition, comme le Diable a son Enfer, et elle tient en quelques aphorismes, auxquels la plus bête des presses bourgeoises (et dont la bêtise a égalé celle de son siècle) a fait un sort étourdissant.

Aphorisme n° 1 : la propriété, c’est le vol. C’est le poncif proudhonien, qui a le numéro 16 dans la nomenclature de notre introduction. La réfutation en est simple : la propriété c’est le champ où reposent les ancêtres et le toit qui abrite les laboureurs et cultivateurs de ce champ. Il n’est rien de plus légitime, ni même de plus auguste, que la propriété ; et ce droit de propriété fait partie du droit primordial du sédentaire, comme de celui du nomade fixé. Le mot de Pascal : ce coin est à moi, disent les hommes, ces pauvres enfants,… et voilà l’origine de la propriété, est parfaitement janséniste et faux. L’arbitraire de la propriété n’existe pas. La propriété, c’est le moule du corps mort et l’abri du