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STUPIDITÉ DE L’ESPRIT POLITIQUE.

qui est à l’aube des émeutes et septembrisades. Car sur le terrain social, comme sur le terrain économique et politique, les méfaits du libéralisme sont innombrables, d’autant plus pernicieux qu’ils tiennent à l’erreur des honnêtes gens. C’est ainsi que, dans les assemblées dites bonnes, élues sous le signe de la patrie et de la famille, les honnêtes gens font rapidement le lit des coquins.

Vous distinguerez d’emblée le libéral à la crainte qu’il a d’être taxé de réactionnaire. Est-il rien de plus beau, de plus net, de plus harmonieux, de plus efficace aussi, je vous le demande, que de s’affirmer en réaction contre la sottise et le mal, ceux-ci eussent-ils pour eux le nombre et la force ? Comment le corps humain sort-il de la maladie ? Par la réaction. C’est cette réaction que cherche le médecin hardi et intelligent, tant que les sources de la vie ne sont point taries, tant que le grand ressort n’est pas brisé. En clinique, l’absence de réaction, c’est la mort. Il en est de même en politique. L’objection fameuse du libéral contre la riposte aux assauts démocratiques et révolutionnaires est tirée de la comparaison dite fluviale : « On ne fait pas qu’un fleuve remonte à sa source. » Partant de là, aucun vice ne sera jamais enrayé, ni aucun fléau arrêté, ni aucune diathèse combattue, ni aucune invasion repoussée. Il est affreux de songer que, par la stupidité et la complexité de l’ambiance, de tels et si pauvres arguments ont contrebattu et annihilé de 1790 à 1914, les efforts de tant de braves gens ! Ah ! les défenseurs de l’ordre, de l’au-